Un Cantalien qui sécurise Tchernobyl
L’arche qui protège des radiations de Tchernobyl vient d’être installée, 30ans après la catastrophe.Parmi les chefs de chantier sur place, un Cantalien au parcours qui force le respect.

Cet Aurillacois n’a que 27 ans et déjà un parcours extraordinaire, au sens littéral du terme ! Rien en effet qui ne soit ordinaire à se rendre aux quatre coins du globe ; à piloter des travaux sur une centrale nucléaire, abîmée comme celle de Tchernobyl... C’est pourtant le quotidien de Damien Caumon, qui travaille pour Vinci Construction Grands Projets (CGP), entité du groupe éponyme. Rencontre avec un fils de prof et d’employé de banque, devenu ingénieur, globe-trotteur et casse-cou polyglotte... Retour en arrière, comment est-ce que tout commence ? Damien Caumon : "Natif d’Aurillac, j’effectue toute ma scolarité au sein du groupe Gerbert, Saint-Eugène, puis Saint-Joseph et même Saint-Géraud où je suis l’option cinéma-audiovisuel qui m’a énormément plu. En 2007, baccalauréat S en poche, spécialité maths avec mention très bien et anglais européen, je me sens d’abord enclin à poursuivre mes études dans les domaines de l’histoire, l’archéologie, les langues rares. Je décide finalement de me tourner vers l’ingénierie, celle-ci étant susceptible de m’apporter davantage de débouchés. Je rentre à l’Insa de Toulouse ; je me tourne vers le département de génie civil."
De l’Argentine à l’Ukraine via Houston
Et très vite, ce sont les premiers travaux à l’étranger... D. C. : "Au cours de ma quatrième année, j’effectue un semestre d’études en Argentine, à Córdoba, au sein de l’Université technologique nationale. Cette expérience m’a permis entre autres de parler couramment l’espagnol et de me faire des amis du monde entier. J’y réalise un stage de conducteur de travaux pour une entreprise locale spécialisée dans la construction de quartiers privés sécurisés. J’y reviens pour mon stage de fin d’études dans un bureau d’études de modélisation 3D (Bim), sous-traitant de multinationales allemandes, américaines et australiennes. C’est ma première expérience des projets de grande ampleur : un gratte-ciel à Houston, le gigantesque hôpital d’Al Ain aux Émirats arabes unis et l’aéroport de Perth." On est loin de l’Ukraine ? D. C. : "Parallèlement, je me spécialise en urbanisme pour ma dernière année d’études avec l’envie d’avoir une vision globale sur le monde du bâtiment. Je découvre tout particulièrement l’hydraulique urbaine. Mais voyager est addictif et je ne pense qu’à une chose : repartir à l’étranger. Après quelques voyages et de longues recherches d’emploi en Amérique du Sud - où les salaires sont très bas - je pose mes valises en juin 2013 à Kiev en Ukraine pour un Volontariat international en entreprise (VIE) d’ingénieur d’études en réseaux hydrauliques sur le projet de construction de l’Arche de Tchernobyl au sein du consortium Novarka, composé des entreprises françaises Vinci et Bouygues. À la suite de ce VIE de 16 mois, je suis embauché en CDI chez Vinci CGP." Connaissant les circonstances, quel état d’esprit vous anime ? D. C. : "Avant mon départ en Ukraine, je me suis posé beaucoup de questions au sujet de l’exposition aux radiations. Mes études m’ont permis de me familiariser avec ce sujet mais les radiations sont un mal invisible et il serait anormal de ne pas avoir d’appréhension. Nous sommes très bien formés par nos équipes de radioprotection et de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire). Nous sommes aussi très bien suivis médicalement et il n’y a jamais eu de problème radiologique sur ce chantier. Pour vous donner une idée, je suis moins exposé aux radiations dans nos bureaux de chantier à Tchernobyl que lorsque je prends
L’inquiétude des proches
"C’est vrai qu’elle a entraîné des accidents aux dégâts colossaux et indélébiles tels que Tchernobyl et Fukushima mais également des dérives avec les armes nucléaires. Mais attention aux exagérations médiatiques. Oui, cet accident a entraîné la mort de personnes ; mais non, il n’y a pas d’animaux à deux têtes ou fluorescents à Tchernobyl ! Forcément, mes parents sont toujours inquiets ; sans aucun doute plus que moi. Mais je les sais également très fiers de ce que je réalise. Quant à mes amis, en apprenant cette mission, ils ont pensé que j’étais un peu fou ! Reconnaissant néanmoins la très belle opportunité pour moi et ce nouveau défi lancé à l’étranger." Concrètement, cette mission ? D. C. : "Je reste six mois à Kiev au cours desquels je vis de près la violente révolution de Maidan. Je suis ensuite relocalisé dans la petite ville de Slavutich, la plus jeune ville du pays, construite suite à la catastrophe de Tchernobyl à une soixantaine de kilomètres du réacteur accidenté et où une bonne partie des habitants de Prypiat ont été relogés. Je passe également quelques mois dans les bureaux de Tchernobyl. Parmi mes tâches : la préparation de notes de calculs et des plans d’installation de divers réseaux hydrauliques et d’équipements associés (tours à incendie, pompage, etc.), entre respect des normes locales et exigences techniques particulières de ce projet comme les contraintes sismiques, de températures, d’exposition aux radiations, etc. Puis la préparation des appels d’offres, le suivi des achats jusqu’à la livraison sur chantier, la gestion d’entreprises sous-traitantes ainsi que la coordination entre tous les corps de métier. Le mois dernier, tout le monde en a parlé : l’Arche a été rippée avec succès jusqu’à sa position finale. Cependant, le projet n’est pas encore terminé et il reste approximativement un an de travaux pour l’installation de systèmes comme la ventilation des bâtiments et les tests de mise en service. Mais une grosse partie de mes réseaux est installée. C’est impressionnant de voir de mes propres yeux ce que j’ai pensé et dessiné. Comme la gouttière en inox sur-mesure du mur est de l’Arche... Ma mission en Ukraine se termine le 20 décembre et ces trois ans et demi sont passés beaucoup trop vite." Aujourd’hui, à quoi ressemble la vie sur place ? D. C. : "Certains de mes collègues travaillaient à Tchernobyl avant la catastrophe de 1986 ou n’étaient qu’enfants, et vivaient dans la ville de Prypiat, construite toute proche de la centrale nucléaire. Évacuée quelques jours après l’accident, puis pillée, elle sert désormais de terrain de jeu pour les nombreux cars de touristes. J’ai pu moi-même m’y rendre à plusieurs reprises, à chaque fois en me mettant à la place de ces gens ayant tout quitté du jour au lendemain sans retour possible. Leurs témoignages poignants sont bien plus précieux que ce que l’on peut lire sur Internet. Pour autant, la vie a repris le dessus. Je quitte finalement Vinci mais je quitte surtout avec le cœur très lourd un pays à la réputation bien souvent controversée - encore une fois victime d’idées reçues - car même si la situation économique est mauvaise et que la guerre fait rage à l’Est de l’Ukraine, le peuple ukrainien est très attachant et Kiev n’en demeure pas moins une ville somptueuse. À titre d'exemple, ma sœur m’a rendu visite trois fois en Ukraine."
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