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Souveraineté alimentaire : tirer les leçons de la déroute énergétique

Après une année 2022 qui n'a fait aucun cadeau aux éleveurs cantaliens, la question de la pérennité de l'élevage est posée à moyen terme pour Joël Piganiol, qui appelle à des choix politiques forts

© P.O.

La fin d'année 2022 laisse un goût amer avec des taux de pertes largement retaillés  dans le cadre de la reconnaissance en calamités sécheresse du département. Le dossier est-il
définitivement enterré ?
Joël Piganiol, président de la FDSEA du Cantal : "Rappelons d'abord que nous avons tout de même obtenu la reconnaissance de l'ensemble du département avec une enveloppe de 17,1 millions d'euros d'indemnisation auxquels s'ajoutent les 4,6 MEUR de dégrèvement TFNB (taxe sur le foncier non bâti). Indemnisations dont on demande aujourd'hui à ce qu'elles soient rapidement versées sur le compte des exploitations. Les agriculteurs des deux tiers du Cantal reconnus dès le début de l'automne, et qui ont déjà perçu un acompte, sont en attente du solde, ceux de Châtaigneraie de l'intégralité des aides qui doit être mise en paiement en une seule fois. Il faut que ces aides, versées par le biais de la DGFip, arrivent très vite.
Quant à savoir si le dossier est clos, nous estimons au contraire qu'il peut être rouvert et retravaillé comme nous l'avons demandé en fin d'année dans un courrier adressé au ministre, courrier resté à ce stade sans réponse. Marc Fesneau a la possibilité de surseoir à l'avis du comité national (CNGRA) et de reprendre les taux établis par son administration départementale comme il s'y était engagé au Sommet de l'élevage. C'est une enjeu majeur pour la suite de la gestion des risques climatiques, dont la réforme se met en oeuvre dès cette année.
Par un décret paru fin décembre, le ministre a acté l'application de cette réforme tout en laissant un certain nombre de points en discussion dont en particulier celui de l'expertise terrain pour l'évaluation des pertes sur prairies. Son attitude témoigne d'une absence de courage politique : quand on voit aujourd'hui le différentiel entre les expertises terrain partout en France et les estimations sur la base indicielle, il paraît évident qu'il faut avoir recours à ces expertises terrain, qui existent dans les systèmes assurantiels existants, que ce soit en grandes cultures ou
viticulture."

Au-delà des pertes fourragères, cet épisode climatique sévère a aussi alerté sur la ressource en eau et sa disponibilité pour l'élevage. Quelles sont vos positions sur ce dossier ?
J. P. : "Cet épisode 2022 a effectivement mis en exergue la problématique de l'eau avec les nombreux arrêtés préfectoraux de restriction des usages mais aussi celle de l'abreuvement des troupeaux qui a posé de nombreuses difficultés. La disponibilité en eau devient un sujet majeur et le Cantal ne va pas déroger à une nécessaire réflexion sur le stockage de l'eau et plus globalement le partage de cette ressource entre élevage et collectivités."

Impossible de ne pas évoquer un autre fléau, les rats taupiers...
J. P. : "Nous allons fort probablement continuer à subir en 2023 les conséquences des pullulations de campagnols sur une partie du département. Nous restons sur deux revendications fortes : en premier lieu, trouver des moyens de lutte beaucoup plus efficients. On se demande aujourd'hui où en est la recherche avec tous les moyens mis pour la financer. On n'a pas de retour sur investissement et ce n'est pas normal ! L'autre attente est tournée vers le FMSE (fonds de mutualisation sanitaire et environnemental) dont nous déplorons qu'il n'ait toujours pas versé les indemnisations des moyens de lutte depuis 2020. Nous demandons par ailleurs l'intervention du FMSE pour une prise en charge des pertes fourragères pour les agriculteurs engagés dans un contrat de lutte et pour lesquels l'impact des rats sur la campagne fourragère 2022 est avéré."

Pas de répit non plus pour l'heure du côté de la flambée des charges d'exploitation. Qu'attendre sur ce volet ?
J. P. : "Les éleveurs sont inquiets en constatant que les prix de l'aliment, l'engrais, l'énergie... restent sur des niveaux élevés en ce début d'année. On incite d'ailleurs tous les agriculteurs ayant un fort impact du fait du coût de l'électricité à se signaler afin que nous puissions demander des mesures à l'instar de celles obtenues par d'autres professions, dont les boulangers."
Des coûts de production censés être couverts dans le cadre des contrats Egalim, est-ce le cas ?
J. P. : "'L'enjeu de la valorisation de nos produits reste l'application de la loi Egalim dont il faut quand même reconnaître les effets en termes de transparence et d'identification des coûts de production dans toutes les filières. On peut aussi se féliciter d'une mobilisation conséquente de cet outil par tous les acteurs de la filière dans le cadre des négociations commerciales en particulier avec la grande distribution. C'est une réalité : cet outil permet de cranter mais il manque encore des paliers pour protéger la production. Nous allons d'ailleurs revenir vers les différents acteurs des filières dans les prochaines semaines pour bâtir des projets très concrets au travers d'outils contractuels. À défaut, se posera clairement la question du maintien de l'élevage(1) mais aussi rapidement derrière celui des outils de transformation, laiteries, abattoirs..., encore nombreux dans ce département."

Restez-vous confiant néanmoins pour l'agriculture cantalienne et française ?
J. P. : "L'avenir du secteur agricole et de la ferme Cantal est intimement lié aux choix politiques que fera le gouvernement français. Entre-t-on dans un schéma où primera réellement la souveraineté alimentaire et où le secteur agricole sera protégé afin qu'il se maintienne partout ? Ou bien s'expose-t-on aux mêmes conséquences que celles que l'on vit dans le secteur de l'énergie où la France est en train de se prendre une claque monumentale, faute d'avoir investi et pour avoir suivi et subi les orientations catastrophiques du lobby écologiste.
Clairement aujourd'hui, qu'on soit éleveur dans le Cantal, céréalier dans le bassin parisien, producteur de volailles dans le Sud-Ouest... la remise en cause de l'acte de production se pose. Certains font déjà le choix d'arrêter. Si rien ne change, un jour, ce n'est pas de la moutarde que les consommateurs chercheront dans des rayons vides mais du lait, de la viande... Et l'actualité récente montre que la solution de l'importation qui paraissait jusqu'alors facile peut se couper du jour au lendemain. Ce sont des questions qui doivent être prises à bras-le-corps par les élus qu'on alerte depuis longtemps déjà. Nous espérons que la prochaine loi d'orientation agricole annoncée par le ministre y contribuera. Une chose est sûre, les enjeux seront énormes dans les prochains mois."

(1) En 2022, ce sont 5 000 naissances de moins qui ont été enregistrées dans les élevages bovins du Cantal.

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