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Rivières et poissons à la merci du dérèglement climatique

Le poisson devrait bien être au rendez-vous au bout des lignes samedi pour l’ouverture de la pêche à la truite, avancent les responsables de la FDAAPPMA 15, avant d’alerter sur les conséquences à très court terme du changement climatique sur les milieux et les espèces piscicoles. État des lieux et perspectives.

Chaque année, ce sont près de 13 000 cartes de pêche qui sont enregistrées dans le Cantal.
Chaque année, ce sont près de 13 000 cartes de pêche qui sont enregistrées dans le Cantal.
© P.O.

Quel a été l’impact de cet été 2022 sur les populations de truite mais aussi des autres espèces de rivières et lacs du Cantal ?
Romain Max, responsable technique de la FDAAPPMA 15 (fédération départementale des associations agréées de pêche et de protection du milieu aquatique) : “On estime que 350 km de rivières du Cantal (sur 11 000 km au total, soit 3 %) ont subi des assecs ou ont été en grande difficulté avec des ruptures d’écoulement, principalement sur le bassin de la Dordogne, les secteurs de Mauriac et Aurillac. Même là où il n’y a pas eu d’assecs, les populations ont été confrontées à des hausses de températures de l’eau de plus en plus limitantes pour pas mal d’espèces. Au vu de cette situation, nous avons réalisé douze pêches électriques de sauvetage, sur des secteurs structurellement fragiles et où il y a beaucoup de poissons et d’alevins dont on sait qu’on peut les relâcher dans des sites proches sans générer de risques majeurs de mortalité pour eux comme pour les poissons déjà présents dans ce milieu. Il faut aussi que les espèces puissent recoloniser par la suite le secteur où a été opérée la pêche de sauvetage, ce qui suppose l’absence d’obstacles naturels et artificiels. C’est la raison pour laquelle il n’est pas judicieux d’intervenir partout où des assecs sont constatés.”

La répétition de ces épisodes secs et chauds ne va-t-elle pas mettre en péril à  terme tant les milieux aquatiques que les espèces qui y évoluent dans un département réputé comme un spot de pêche ?
R. M. et Jacques Chalier (responsable développement) : “Pour l’instant, on observe que, malgré ces désordres, la plupart des milieux sont résilients et parviennent à retrouver un bon fonctionnement et équilibre à court terme. C’est quelque chose qu’on avait déjà vu en 2003 sur le Bès en Aubrac dont la température avait grimpé jusqu’à 28°C : dans la foulée 80 % des populations de truite avaient disparu dans le Bès, 90 % dans un de ses affluents à Saint-Urcize ; quatre mois après, la population s’était refaite dans ce petit cours d’eau. Mais attention, cette capacité de résilience vaut pour des épisodes ponctuels... aujourd’hui ces phénomènes sont récurrents et surtout elle ne tient qu’à la condition qu’il y ait une connectivité qui permette la recolonisation. L’enjeu de la continuité écologique devient de plus en plus primordial, tout comme la question des températures.”

Difficile d’agir sur les températures...
R. M. : “Il existe plusieurs leviers pour limiter la hausse de températures des cours d’eau dont la restauration des ripisylves, cette végétation arborée, arbustive et donc ombragée qui sert de climatiseur naturel aux cours d’eau en plus de maintenir les berges et d’agir favorablement sur la qualité de l’eau en jouant un rôle de filtre. En raisonnant et rationalisant les prélèvements en rivières, on va aussi agir sur le débit et plus il y a d’eau, moins vite elle se réchauffe. En la matière, les zones humides ont un rôle essentiel sur nos territoires : elles permettent de retenir l’eau dans le sol et la libèrent progressivement, sans qu’elle ait été réchauffée, contrairement à l’eau stockée dans des retenues. Il est donc impératif de restaurer ces zones humides qui ont été largement draînées ces 50 dernières années.”

Bruno Denise, vice-président de la FDAAPPMA : “Les pêcheurs sont pour le stockage de l’eau pour l’agriculture mais pas sous n’importe quelle forme, l’expérience montre que l’incidence des retenues est catastrophique pour le milieu en générant des pertes de volumes d’eau du fait d’une forte évaporation, et une dégradation de la qualité de l’eau du milieu.”

On vous sait aussi très remontés contre les micro-centrales électriques...
B. Denise : “Là encore, nous sommes favorables à l’hydro-électricité mais pas à ces micro-centrales qui fleurissent sur nos rivières et qui ne servent que des intérêts privés. Dans le Cantal, nous avons une capacité d’augmentation et d’optimisation de la production d’hydro-électricité via les grands barrages exploités sous forme de concessions, concessions qui tardent à être renouvelées, n’incitant pas les exploitants à investir pour doper cette production. Pendant ce temps, ce sont de petits opérateurs privés qui développent des projets de micro-centrales qui perturbent fortement le milieu. Aujourd’hui, ce sont 150 km de cours d’eau qui sont ainsi court-circuités par une vingtaine de microcentrales dont la production est anecdotique : sur le bassin de la Dordogne, 1 % des ouvrages hydroélectriques (les grands barrages) produisent 98,5 % de l’hydro-électricité. Nous avons alerté le préfet sur ce sujet qui mobilise moins l’opinion que les éoliennes car ces micro-centrales sont moins visibles. La micro-centrale, c’est un coup de massue sur des cours d’eau déjà fragilisés par le changement climatique.”

Quelles ont été les conditions de reproduction cet automne ?
R. M. : “En 2022, la reproduction avait globalement été bonne avec de nombreuses petites truites nées. Cet automne, les pluies tardives et donc les débits faibles ont contraint les truites à frayer dans des secteurs vulnérables aux crues, crues hivernales auxquelles on a échappé pour l’instant. Les perspectives de reproduction s’annoncent donc à nouveau plutôt bonnes et sur les inventaires réalisés, on voit des stocks de géniteurs intéressants. Sur les 10-15 dernières années, on n’observe pas d’effondrement mais cela reste à surveiller.
Quant aux conditions de l’ouverture samedi, elles risquent d’être moins favorables que les années précédentes, avec des eaux froides, basses, claires et des poissons de fait moins actifs.”

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