"Personne ne peut plus fermer les yeux sur l’injustice de la Pac"
La session de la Chambre d’agriculture a apporté des données percutantes sur le fossé abyssal qui se creuse entre secteurs bénéficiaires de fonds européens.

"Depuis 1992, la meilleure année d’un éleveur n’a jamais atteint la pire d’un céréalier". La phrase a fait mouche vendredi dernier devant les élus de la Chambre d’agriculture réunis en session. Car même si elle se défend de revendiquer l’argent des "céréaliers", la profession agricole a de plus en plus de mal à accepter l’injustice d’une politique communautaire, à la logique obsolète et aux effets ravageurs pour l’élevage français. À quelques jours du grand rassemblement de Clermont-Ferrand, et en s’appuyant sur les études conduites en préparation de la Conférence nationale sur le revenu, les dirigeants de la chambre consulaire ont souhaité enfoncer le clou, chiffres à l’appui. Une conférence demandée par les responsables agricoles dont "l’enjeu est de corriger les écarts de revenus de ceux qui sont en crise structurelle, notamment les systèmes herbagers extensifs, avant d’apporter des réponses à ceux qui vivent des difficultés conjoncturelles, à l’image des éleveurs de porcs bretons", estime Thierry Boulleau. L’animateur du Sidam (Service interdépartemental pour l’animation du Massif central) s’est ainsi attaché à développer des arguments incontestables militant plus que jamais en faveur d’un rééquilibrage des soutiens publics. Car si les charges ont augmenté en moyenne de 17 % en 2007 dans l’élevage français, affectant également le secteur végétal, "cette hausse n’a pas le même impact selon qu’on l’applique aux 12 000 euros (par unité de main d’œuvre) de revenus moyens annuels des éleveurs du Massif central (moins que le Smic) ou aux 90 000 euros enregistrés en 2007 dans le Bassin parisien", a rappelé l’ancien collaborateur de Michel Debatisse.
Une carte des revenus calquée sur celles des aides communautaires
Et les perspectives de revenus 2008 établies par l’Institut de l’élevage n’incitent guère à l’optimisme (voir ci-dessous), quelle que soit la production animale. Certes, il y a sûrement encore des marges de manoeuvre pour maîtriser les charges ou encore valoriser et segmenter davantage les produits des cheptels bovins et ovins - dont le prix s’avère déjà relativement élevé dans le contexte actuel de débat sur le pouvoir d’achat -, mais pour le président Louis-François Fontant, le seul véritable levier demeure une correction des déséquilibres issus de la Pac de 1992. Un impératif pour la survie de l’élevage mais aussi pour l’avenir de la Pac selon T. Boulleau : "Si rien n’est fait, il sera difficile de légitimer une politique devenue aberrante, que les États-Unis ont, eux, abandonnée au bout d’un an".