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Mobilisation générale autour "de papiers pour Ronaldo"

Ronaldo doit passer son diplôme d'État d'accompagnement éducatif et social en juin. Il vient de passer ses oraux mais lundi, il est invité à quitter le territoire français pour regagner le Congo.

Personnel soignant, résidants, direction de l'Éhpad de la Louvière unis pour soutenir le jeune Ronaldo.
Personnel soignant, résidants, direction de l'Éhpad de la Louvière unis pour soutenir le jeune Ronaldo.
© M. V.

Il y a quelques mois, Ronaldo a eu son heure de gloire : la chaîne BFM TV a diffusé l'une de ses vidéos sur laquelle il chantait le tube de Kenji Girac "Les yeux de la mama" dans les chambres de l'Éhpad de la Louvière, à Aurillac, où les résidents étaient confinés en raison du Covid. Depuis une semaine, le jeune homme est à nouveau sous le feu des projecteurs. "Mais là, on s'en serait bien passé", lâche Gwendal Le Berre, directeur de l'établissement, qui l'a accueilli en 2019 "avec un titre de séjour en bonne et due forme", tient-il à préciser. Pas de guitare ni de chant pour le Congolais cette fois-ci, mais une obligation de quitter le territoire français (OQTF) délivrée par la préfecture du Cantal, qui sera effective... ce lundi.

Professionnel malgré tout
Sous contrat avec la Louvière dans le cadre de son diplôme d'État d'accompagnement éducatif et social (DAES), Ronaldo n'en a pas pour autant baissé les bras et cette semaine, il a passé ses oraux en vue de la fin de sa formation, en juin 2021. "Malgré tout ce qu'il se passe autour de lui, il arrive à rendre de bons devoirs...", souffle son employeur, chez qui il passe trois semaines par mois, en alternance avec l'Infa, où il prépare son diplôme.
À la Louvière, il a d'abord effectué des stages, avec des animatrices, puis avec le personnel soignant. À chaque fois, "nous avons été très favorablement impressionnés. C'est quelqu'un qui fait l'unanimité : il est calme, gentil, attentif aux autres. Il est super dans son métier, qu'il fait avec toute l'humanité qu'il a en lui. On ne pourra pas rencontrer quelqu'un qui en dira du mal."
Si le jeune Congolais jouit d'un capital sympathie auprès de ses collègues, c'est la même chose du côté des résidents de l'Éhpad, qui l'appellent affectueusement "mon petit". Une parole, une tape sur l'épaule, une petite blague : le jeune a un mot pour tous et toutes et beaucoup apprécient son caractère et... sa voix ! "Quand il chante du gospel, comme Amazing grace, c'est un grand moment", certifie Gwendal Le Berre.

Injustice et incompréhension
Quand Ronaldo l'a informé de son OQTF, c'est tout un établissement qui a d'abord été sous le choc et qui a ensuite décidé de passer à l'action en créant une page Facebook, en lançant une pétition qui a déjà recueilli plus de 27 000 signatures, en médiatisant l'affaire, en déployant des banderoles sur le bâtiment... "Ses problèmes n'ont jamais altéré la qualité de son travail. Si on ne fait rien, les résidents ne le comprendraient pas. Ils sont tellement tristes... Même si nous avons tous notre travail à faire, on se mobilise autour de lui et les salariés relaient la mobilisation sur leur temps libre."
À l'image de Nathalie, aide-soignante, tutrice de Ronaldo pendant 15 mois, qui a bien du mal à cacher son émotion : "C'est un gamin génial, qui a toutes les qualités professionnelles et humaines pour être un très bon soignant. Son OQTF, ça a été un coup de massue, avec plein de sentiments mélangés : l'injustice, l'incompréhension." S'il a "toujours le sourire", cette fois, le jeune homme essuie ses yeux humides. Sa "maman de substitution", comme il l'appelle, poursuit : "Ça m'attriste en tant que collègue, quand je vois mes résidents malheureux. Il ne mérite pas du tout ce qui lui arrive. Il a envie de travailler, il n'y a jamais de déception avec lui, c'est notre rayon de soleil !"


"Je lui proposerai volontiers un CDI"
Gwendal Le Berre rejoint sa salariée sur les compétences de Ronaldo : "C'est un modèle d'intégration, avec un parcours exemplaire depuis qu'il est arrivé en France. Il n'y a pas l'ombre d'un doute quant à la réussite de sa formation. C'est aberrant de ne même pas lui laisser finir son cursus alors que toutes les maisons de retraite de France ont des difficultés de recrutement. C'est une chance pour nous de l'avoir au quotidien. Si tout va bien et qu'il est diplômé, je lui proposerai bien volontiers un CDI."
À l'inverse, "si la situation n'évolue pas favorablement, nous organiserons un rassemblement le plus large possible devant la préfecture la semaine prochaine". Avec des résidents qui ont déjà fait part de leur volonté de s'y rendre pour soutenir "leur" petit.

Ronaldo : "Laissez-moi finir au moins ma formation !"

Arrivé seul de la République démocratique du Congo en janvier 2014, Ronaldo a fui son pays à l'âge de 15 ans pour échapper à un emprisonnement après une bagarre à
l'issue d'un match de basket. "À l'époque, le gouvernement voulait éradiquer les jeunes voyous", quitte à les enfermer sous de faux prétextes, raconte le jeune homme. Son oncle lui permet de gagner Paris, puis il suit un ami jusqu'à Clermont. Avec la volonté de devenir aide-soignant, il rejoint le lycée Raymond-Cortat d'Aurillac après avoir passé son brevet, un CAP petite enfance et son BEP ASSP, et évolue au sein de la Louvière et quelques mois à la Maisonnée du Cap blanc, où ses états de service sont reconnus et appréciés. Même pendant une épidémie de gastro, il a suppléé au pied levé ses collègues malades. "Je l'ai fait parce que j'aime ça. C'est le boulot, on est comme des soldats et on y va ! J'ai trouvé une famille ici, j'ai des collègues impressionnants et je ne sais pas comment les remercier. Je n'ai pas les mots et je ne sais même pas ce que j'ai fait pour mériter ça... Même quand les résidents me disent, au bord des larmes, "on veut te garder", ça me fait mal."
Un logement, une formation,
un contrat
Confié aux services de l'Aide sociale à l'enfance, le jeune homme est épaulé par des éducateurs dans toutes ses démarches, et par Me Méral, son avocat aurillacois. La préfecture cantalienne estime en effet que ses papiers d'état civil sont faux, parce que rédigés à la main sur un document vierge, et lui refuse le renouvellement de son titre de séjour. Pourtant, l'ambassade congolaise à Paris certifie le contraire. Jusqu'à il y a peu, Ronaldo était confiant quant à l'issue de sa procédure, tant est si bien qu'il n'en avait même pas averti ses collègues : "Il faut avoir un logement et être indépendant financièrement pour avoir un titre de séjour définitif. Je passe mon bac pro, je suis sous contrat avec la Louvière, donc pour moi, je remplis tous les critères exigés par la préfecture. Mes papiers ne sont pas faux, ils m'ont permis d'avoir un passeport aussi. Tout est écrit à la main au Congo !" Le tribunal de Clermont-Ferrand a confirmé la décision préfectorale et l'oblige à embarquer lundi à Lyon pour rejoindre le Congo. Depuis ce 4 mars, "je suis abasourdi. Personne ne regarde la personne que je suis. En face de moi, j'ai des murs. Avec mes collègues, nous avons été au front pendant le confinement. Surtout en cette période pendant laquelle on cherche des aides-soignants partout. Je suis seulement à quelques mois de finir ma formation, je n'ai pas fait tout ces efforts pour échouer si près du but... Je suis presque au bout, ce n'est pas logique !" Moralement, Ronaldo explique ne "pas être prêt à retourner" au Congo. Si je suis diplômé, la France sera ma priorité. Je n'étais rien avant d'arriver ici, elle m'a tout donné. Mon intégration ne fait pas défaut, je suis dévoué à mon métier. Le pays des Droits de l'Homme, de la Liberté, de l'Égalité, de la Fraternité ne peut pas faire ça".
Mercredi soir, le jeune homme n'avait pas encore décidé s'il prendrait l'avion lundi matin pour rejoindre Lyon... Il préférait se "focaliser sur mes oraux". Seule une décision du préfet du Cantal pourrait faire en sorte que cette histoire se termine bien pour Ronaldo.

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