Le pain jusqu'à son domicile : une tournée dans la vallée de Brezons
Commerçante à Lacapelle-Barrès, Laëtitia Laurier sillonne les routes pour rejoindre ses clients. S'ajoutent à la vente un lien, un service et une écoute.

Maison après maison, Laëtitia Laurier va conduire son camion au plus haut de la vallée de Brezons. La veille, à l'issue de la tournée précédente, elle a déjà regarni les rayons d'épicerie, préparé les commandes. Le matin, tout débute à 6 h 30 avec Jérôme, son époux, pour charger le pain, les pâtisseries de leur boulangerie, les légumes et les fruits. Il y a aussi de la charcuterie sous vide, du fromage, des laitages et quelques produits d'entretien. Les producteurs locaux sont privilégiés autant que possible.
En fin de matinée, il a fallu trois bonne heures pour rallier Lacapelle-Barrès à Saint-Martin-sous-Vigouroux par les hauteurs de Malbo. Le soleil fait une pâle apparition faisant étinceler le tapis de neige qui, depuis un mois, couvre la campagne.
Porte-à-porte
Premier arrêt, pour quatre baguettes et deux croissants. le temps de se dire "à samedi", jour du deuxième passage du camion, et le auvent se referme pour rouler vers le prochain client. Laëtitia Laurier ne s'arrête pas sur la place du village. Elle vient jusque devant chaque maison, dans un porte-à-porte amical et bienveillant. Le klaxon retentit pour avertir de sa présence. Personne ! Alors, la commerçante cherche sur son téléphone et appelle. Toujours rien, mais accroché au pilier, un panier. "J'ai les numéros de quasiment tous les clients pour les prévenir de mon arrivée ou enregistrer les demandes, précise Laëtitia, qui dépose le pain dans le sac. Si les gens sont absents, je laisse la commande et je facture en fin de mois. C'est un service que j'apporte." Comme le boucher de Pierrefort ou le primeur d'Aurillac qui parcourent le même secteur. Dans le Cantal, près d'une centaine de commerces font de l'itinérance avec, dans les nouveautés, des coiffeurs ou des food-truck pour des plats à emporter.
Dans Brezons, quatre arrêts rythment la traversée du bourg. Ici, le sac à provisions se remplit allègrement. Les courses sont faites pour plusieurs jours. Les premiers commerces sont à Pierrefort, la population est âgée, la neige et cette année, la pandémie, font que le passage de Laëtitia est une véritable chance. "Pendant le premier confinement, il fallait me ravitailler une à deux fois pour terminer la tournée", précise-t-elle. Pour certains, son passage est une aubaine pour discuter un peu de tout et de rien. Ce jour-là du temps et de ces quantités de neige que l'on n'avait pas vues depuis très très longtemps. Beaucoup, mais rien de très anormal finalement dans cette haute vallée du Cantal selon certains. On voudrait bien garder un peu plus celle que l'on appelle désormais La Gazelle, du fait de sa participation l'an prochain au rallye du même nom(1). Mais la route n'est pas terminée et la neige ne facilite pas les choses pour passer à l'heure chez chacun et ne pas rentrer trop tard.
Une chance
Et plus on monte, plus les murs de neige s'élèvent de chaque côté de la route. Il faut alors manoeuvrer, se garer pour se croiser. Au Bourguet, un nouvel habitant venu de Paris n'en revient toujours pas. Mais pour Laëtitia Laurier, ce n'est pas ce qui va l'empêcher de faire sa tournée, elle qui finalement aime rouler. "Quand nous avons repris la boulangerie, épicerie, bar à Lacapelle-Barrès en 2018, les tournées, qui représentent une grosse partie de notre chiffre d'affaires, étaient indispensables mais aussi, pour moi, un vrai plaisir de conduire et d'aller au contact des gens. J'aime cette ambiance et sillonner ces paysages sublimes à chaque instant." Même quand le camion reste deux fois coincé dans la neige en début de tournée et que la fatigue se fait ressentir après des journées à rallonge. "Ce n'est pas dans mes convictions d'annuler, sourit-elle. Ce n'est pas concevable, surtout quand les gens ne peuvent pas sortir !"
À La Dolvadenche, les clients indiquent que la route plus haut est au goudron. Mais aux Arzaliers, pour sortir, il faudra à Laëtitia Laurier, sans sourciller et malgré le ravin, effectuer une marche arrière de 300 mètres pour reprendre la départementale. Certains clients viennent à elle pour lui éviter un parcours encore difficile.
Pour la première fois depuis le 27 décembre, la boulangerie ambulante atteint Serverette, au prix, là aussi, d'une marche arrière, et les maisons du Cros-Haut. Pour la Grifoul, il faudra encore attendre. Sur le chemin du retour, un chauffeur routier demande l'état de la chaussée. Dans cet environnement, il y a là un peu de vie à l'ancienne, simple, d'entraide paysanne. Et au fil du temps, la commerçante ambulante est devenue un lien entre chacun. Et puis il fera beau avec le retour du printemps. Pour la jeune femme, ce sera le temps d'autres ambiances, d'autres lumières sur les paysages des régions de Pierrefort et de Thérondels au volant de son camion. D'ailleurs, elle pourrait aller dans quelques villages supplémentaires et rendre service à plus de monde. "Je ne peux pas desservir certains coins si je n'ai pas assez de clients. Mais nous pourrions ouvrir une nouvelle tournée le lundi et réorganiser les autres. Pour cela, il nous faudrait une personne supplémentaire (anciens agriculteurs, Jérôme, qui s'est formé à la boulangerie à Aurillac, et Laëtitia emploient déjà deux personnes, dont l'une fait une partie des tournées). Les idées ne manquent pas, c'est le temps. Et
surtout trouver une personne polyvalente qui aimera prendre la route des montagnes.
(1) À lire dans notre édition du samedi 30 janvier.
Berel (55) | 20 février 2021 à 10:13:30
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