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Fermes Dephy du Cantal : réduire les phytos et les intrants, pas les rendements

Avec cinq ans d’avance, les exploitations des deux groupes Dephy du Cantal sont en passe d’atteindre les objectifs du plan Ecophytos sans rien sacrifier aux rendements des cultures.

Tour de parcelles, rendu d’essais, opérations "démo’flash"... autant d’actions pour vulgariser les pratiques alternatives développées.
Tour de parcelles, rendu d’essais, opérations "démo’flash"... autant d’actions pour vulgariser les pratiques alternatives développées.
© Dephy

L’info a été reprise en boucle début février : une explosion de 25 % en dix ans de l’usage des pesticides en France selon Nicolas Hulot et sa fondation. Des chiffres lancés en pâture dans les médias jetant une nouvelle fois l’opprobre sur la profession agricole alors que la réalité mérite d’être nuancée(1). Rien dans ces pseudo-révélations des résultats des quelque 3 060 exploitations engagées dans l’un des 257 groupes Dephy(2) qui ont fleuri dans les campagnes françaises pour expérimenter, sur la base du volontariat, des pratiques alternatives au recours aux phytosanitaires et intrants en général, sous l’impulsion du plan Ecophytos. Objectif affiché par ce plan gouvernemental : réduire de 50 % d’ici 2025 l’usage des produits phytosanitaires.

Moitié moins de phytos en seulement huit ans
Cinq ans avant cette échéance, l’ambition est en passe d’être atteinte par la vingtaine d’agriculteurs engagés dans les deux groupes Dephy du Cantal. Sur le réseau de Châtaigneraie, constitué dès 2011, la réduction, tous produits de traitement confondus, atteint 47 % entre 2011 et 2019, et - 33 % en seulement trois ans (2016/2019) pour celui plus récent du secteur de Saint-Flour.  "C’est énorme, surtout pour des systèmes très peu consommateurs", soulignent Marc Peilleron et Éva Fichet, animateurs respectifs du groupe du Sud-Cantal et de son cousin sanflorain. Les deux conseillers en agronomie relèvent au passage que la moyenne nationale des groupes Dephy en polyculture élevage ne dépasse pas 23 % de réduction et 10 % pour ceux en grandes cultures, là où le potentiel d’amélioration est a priori le plus élevé.
Des résultats d’autant plus remarquables que si l’indicateur étudié, l’IFT - l’indice de fréquence de traitement - régresse sur les céréales et maïs, les rendements des fermes cantaliennes engagées ne sont pas sacrifiés. "Le mot d’ordre, c’est de produire mieux, pas moins ! Notre challenge, c’est de coupler la réduction des phytos avec les objectifs des agriculteurs", lance Marc Peilleron, tandis que sa collègue Éva Fichet met en avant l’une des clés de réussite de ces groupes : "des échanges entre pairs, sur du concret. Ça vaut tous les discours d’un conseiller !  Surtout, ça leur permet d’avancer plus rapidement, de se comparer, de tester des choses". Jean-Gaby Cazes, membre du groupe de Châtaigneraie depuis 2016 (lire ci-contre), ne dit pas autre chose : "Il y a un effet groupe très intéressant, avec des profils très différents : des gens en bio avec du travail du sol simplifié, d’autres en semis direct, moi qui suis plutôt en standard sans label ni démarche de qualité... Chacun a ses problématiques, mais on s’échange des idées sur des rotations, des nouvelles plantes qui semblent bien fonctionner. On a un groupe super dynamique et enrichissant."

Production de références locales...
Chaque année, les pratiques, itinéraires techniques de chacun des membres, sont passés au crible avec l’animateur et ce pour chaque culture et rotation : travail du sol, choix des semences, mode de récolte,  désherbage, méthodes alternatives (faux semis...).  "On fait un point sur ce qui a marché ou pas et surtout pourquoi. Ce bilan nous permet de revoir si besoin les objectifs de l’exploitation", explique Éva Fichet, bientôt remplacée, le temps de son congé maternité, par Agnès Duchamp(3). Ces données permettent ainsi de constituer de précieuses références locales mais aussi d’alimenter  des bases des données régionales et nationales.
... et expérimentation de pratiques transposables
Parallèlement à ses objectifs individuels, chaque groupe s’est accordé sur des orientations et un projet collectifs : réduction de l’utilisation des produits phytos, recherche de l’autonomie alimentaire des élevages, maîtrise des intrants, simplification du travail du sol avec en ligne de mire donc, un système de culture économiquement rentable. Mais ces réflexions et expérimentations dépassent le seul cadre de ces collectifs composés chacun d’une dizaine de fermes. "Il s’agit bien de mettre en place des pratiques transposables, de transférer les connaissances acquises par le réseau à d’autres exploitations via des actions de communication comme la lettre des GVA, Facebook..", liste Marc Peilleron. Ces techniques novatrices sont exposées - avec leurs intérêt, succès mais aussi limites voire échecs - sur le terrain au travers de démonstrations, journées techniques, "démo flash", tour de parcelles...
"En 2019, on a fait par exemple une démonstration sur le roto-hétrille, un outil innovant qui existe depuis quelques années déjà mais pas vraiment connu par chez nous", indique le conseiller agronomie, tout juste nommé responsable du service RID (recherche-innovation- développement) de la chambre du Cantal. Si l’outil testé à Faverolles a marqué des points, s’avérant plus probant même que la herse étrille, son coût reste un frein.
Sol peu travaillé mais couvert
Les deux groupes ont par ailleurs mis l’accent ces derniers années sur les méteils fourragers ou moissonnés. Le semis direct a également été au programme, avec la volonté de limiter le travail du sol - et dans la foulée la levée d’adventices - en bénéficiant parallèlement des avantages agronomiques de cette pratique. "Réduire le travail du sol, c’est à la fois un gain de temps, de carburant, donc des économies, mais aussi source de bienfaits sur la vie biologique des sols", rappelle Éva Fichet, dont le réseau a également mis comme priorité la couverture du sol avec l’implantation de dérobés en hiver pour limiter l’enherbement "et en lien avec l’autonomie fourragère du fait des aléas", précise Éva Fichet.

(1) Le ministère de l’Agriculture a lui fait savoir que les ventes de produits phytos ont baissé de 36 % entre 2009 et 2019.
(2) Réseau de démonstration, d’expérimentation et de production de références sur les systèmes économes en produits phytosanitaires.
(3) Diplômée d’un Master Innovation en qualité et production végétales, cette dernière intègre l’équipe des conseillers phytos de la Chambre d’agriculture.

 

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