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Éleveurs - bovins : éviter le stress

Peut-on dresser une vache ? Pour les spécialistes du comportement animal la réponse est oui mais “pas toutes les vaches” et en intervenant à des étapes clés.Éclairage.

Le contact très précoce et régulier avec les veaux et mères est une source d’interactions positives.
Le contact très précoce et régulier avec les veaux et mères est une source d’interactions positives.
© Emeline Bignon/Réussir/archives

Dix mille ans que ces deux-là travaillent ensemble : depuis les premiers pas de la domestication de la vache par l’Homme au Néolithique, on croyait tout savoir ou presque de la façon de conduire un troupeau pour en tirer le meilleur . Vendredi, lors du rendu de leur étude auprès de conseillers et éleveurs, quatre étudiantes de l’IUT d’Aurillac et l’éthologue Pauline Garcia ont montré qu’il y avait encore bien des choses à apprendre du comportement des bovins, de leur façon d’appréhender l’éleveur pour une relation source de bien-être réciproque mais aussi de performances technico-économiques. Une gestion du cheptel qui exclut tout autant l’indifférence que l’anthropomorphisme.

Tel maître....

Car une vache ne perçoit pas son environnement comme on l’imagine. Ainsi, elle ne voit que les couleurs vives, et peut être facilement éblouie. Gare donc aux tenues avec des bandes fluorescentes, aux reflets ou encore à l’alternance obscurité/lumière générée par des parcs de contention aux parois ajourées par exemple. Doté d’une ouïe beaucoup plus sensible que celle de l’humain, le bovin est gêné par les bruits aigus, les cris, mais apprécie en revanche la musique, classique notamment. Les vaches mémorisent en outre les sons et les associent aux moments stressants ou apaisants auxquels ils sont liés (exemple de cris pour les faire entrer dans le couloir de contention). Elle peut aussi reconnaître de loin le bruit du moteur de la Clio du vétérinaire, qui n’a généralement guère la cote auprès de la gent bovine. Son odorat est aussi plus développé : elle reconnaît l’odeur de l’homme, mais aussi celle de l’urine laissée par ses congénères dans une bétaillère... Animal grégaire, le bovin recherche le contact avec ses congénères pour un toilettage dans les zones inaccessibles par lui-même. Il apprécie les séances de “grattage” aux points sensibles : flanc, épi dorsal, base de la queue... La vache est par ailleurs gourmande. Autant de sources de confort dont on tient compte dans son dressage. “Son environnement quotidien, c’est l’herbe et les clôtures, elle est donc vite stressée par un objet inconnu”, précise Pauline Garcia, spécialiste en comportement animal, qui incite néanmoins les éleveurs à habituer progressivement le troupeau à des sons, odeurs (y compris celle du parfum, à très petite dose), à des vêtements nouveaux. Comment les vaches perçoivent-elle l’éleveur ? Au pire, dans le cas d’animaux maltraités ou sauvages, comme un danger déclenchant leur instinct de fuite ou une réaction de défense et d’agressivité si cette fuite est impossible ; comme un objet neutre s’il n’y a pas d’interactions régulières ; comme un distributeur d’eau et nourriture qu’elle approchera donc facilement ; ou, dans le meilleur des cas, comme un partenaire social, dès lors qu’une relation positive a été établie. Comment passer de l’indifférence à ce partenariat ? “Par des interactions positives - caresses, brossages... - régulières, un contact quotidien dès le plus jeune âge”, ont répondu les étudiantes, soulignant en outre l’importance d’un comportement calme de l’éleveur, sans cri. Mais aussi par du renforcement positif, une méthode que pratique au quotidien Pauline Garcia sur son troupeau salers du côté de Vèze. “Je les habitue à des objets insolites : une longe, une bâche, un seau,... Je leur demande de toucher cet objet, et dès qu’ils l’approchent, je récompense avec du granulé et je renforce ainsi sa curiosité.” Une méthode qu’elle utilise en vue de faciliter des actes stressants pour la vache : en les entraînant à toucher une cible au bout d’un baton, “la vache se focalise sur la cible pour obtenir sa récompense et fait abstraction de l’environnement, ce qui est très utile pour les faire monter dans un camion”. Ou encore quand il s’est agi d’appliquer chaque jour durant un mois un cataplasme d’argile à une vache qui s’était cassée la base de la queue.

Dresser “les secondes”

Une technique qu’elle met en œuvre sur les secondes de troupeau (et non sur les dominantes), curieuses, et que vont suivre les autres membres du troupeau. Et qu’elle vient de tester sur Jacady, un veau de 18 mois, auquel elle passe le licol au champ sans difficulté. Pauline Garcia a aussi un autre secret : le clicker-training. Un méthode d’éducation positive bien connue dans les milieux canins et équins, qui associe le son spécifique émis par la languette en métal d’un petit boîtier, le clicker, à un exercice. Avec au départ, une récompense à la clé. “C’est un outil très utile pour des animaux craintifs, qui refusent par exemple de rentrer en salle de traite,... cela permet une rééducation plus facile”, analyse Pauline Garcia, qui, à terme, essaie de les affranchir de la récompense alimentaire. “Oui, mais le plus compliqué, c’est le temps que ça prend !”, a d’emblée réagi un éleveur dans la salle, exprimant tout haut le principal bémol émis par ses collègues. “On n’éduque pas tout le troupeau, c’est impossible”, a nuancé Pauline Garcia. D’autant, comme l’a expliqué Michel Souvignet, inventeur de la méthode éponyme, “que quel que soit le type d’élevage ou la race, le résultat c’est qu’on dresse en 15 minutes 60 % du troupeau, 30 % en 30-45 mn et il en reste toujours 10 % d’indressables, c’est génétique”. Aussi, face à ces bovins définitivement “sauvageons”, le conseil est de les réformer. Michel Souvignet regrette d’ailleurs que le critère “comportement” n’ait pas davantage pesé dans la sélection des taureaux d’insémination. Dresse-t-on de la même façon un mâle et une femelle ? Pour Pauline Garcia, les femelles s’apaisent avec l’âge, tandis que le comportement du veau peut franchement changer à la puberté du fait du chamboulement hormonal. “On peut voir des mâles calmes devenir frustrés quand il n’y a pas de monte naturelle”, analyse la jeune femme qui invite à ne “jamais jouer avec un taureau”. Quant aux vaches ou génisses laitières qui, spontanément, vont venir quémander une caresse, “il faut les repousser, sinon elles vont associer le fait de réclamer à la récompense et ne plus vous respecter”. Un constat qu’ont fait certains éleveurs pour qui ces vaches, peu farouches naturellement, vont devenir les plus compliquées à gérer.

 

 

Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.

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